Avez-vous vu François ?

Frère François
L’avez-vous croisé au détour d’une ruelle de la cité d’Assise lorsque jeune, il déambulait joyeux et finement vêtu, suivi de la jeunesse de la ville vers quelque fête  ?
L’avez-vous aperçu tout caparaçonné, sur la route de Spolete, galopant hardiment vers ses rêves de conquête et de gloire ?
L’avez-vous repéré dans la plaine insalubre prenant soin des lépreux, puis quittant furtivement le monde ?
L’avez-vous épié dans le silence de la sombre chapelle, priant, interrogeant sous le grand Crucifix ?
L’avez-vous reconnu dans sa robe de bure, vivant parmi les gueux, mendiant un peu de pain ‘per l’amore di Dio’ ou quêtant une pierre pour réparer l’église que Claire, sa cadette, illuminera de sa vie ?
L’avez-vous côtoyé dans sa cabane à âne avec ses premiers frères miséreux et fervents ?
L’avez-vous rencontré sur les parvis et les places annonçant le Très-Haut, prêchant la miséricorde ?
L’avez-vous remarqué debout parmi ses frères, les exhortant à vivre simplement l’Évangile, à ne jamais trahir Dame Pauvreté ?
L’avez-vous distingué sur la rive égyptienne devisant au côté du Sultan quand la guerre faisait rage ?
L’avez-vous observé à l’autel scrutant l’insondable mystère de l’humilité de Dieu qui vient sous la forme du pain ?
L’avez vous surpris en cette nuit de Noël contemplant le Nouveau Né couché dans la mangeoire ?
L’avez-vous deviné au fond de sa caverne priant le Crucifié et recevant de lui le sceau de la Passion ?
L’avez-vous veillé au soir de sa vie, reposant nu sur le sol et bénissant ses frères ?

Frère François

Frère François
Peinture murale de François d'Assise au monastère Sacro Specco de Subiaco

Saint François d’Assise a été nommé patron des écologistes par le pape Jean-Paul II en 1979. En 2013, il donnait son nom au pontife actuel. Puis en 2015 son poème de louange, le Cantique des Créatures, inspirait l’étonnante encyclique Laudato si’ du même pape.

François, je l’ai connu. Un peu… De loin…
À huit cent ans d’écart, j’ai marché dans ses rues, prié dans ses chapelles. J’ai entendu les récits des frères qui vécurent autrefois avec lui. J’ai scruté les lettres, les prières qu’il nous a transmises. À huit cent ans d’écart, j’ai vécu parmi les mendiants, j’ai vécu parmi les frères.

Comme j’aimerais que François soit encore parmi nous. Son chant, le Cantique des Créatures, avait réconcilié l’évêque d’Assise et le podestat, maire de l’époque, alors en conflit. Peut-être nous aiderait-il à fraterniser enfin avec la Création, à la respecter et à la chérir.

En cette fête de saint François, je vous transmets la bénédiction qu’il a donné autrefois à son frère Léon et que nous, franciscains, aimons redire.

Que le Seigneur te bénisse et te garde ;
Qu’il te montre sa face et qu’il te fasse miséricorde,
Qu’il tourne vers toi son visage et te donne la paix.
Que le Seigneur te bénisse, toi, frère, sœur.
Qu’il te montre sa face et qu’il te fasse miséricorde,
Qu’il tourne vers toi son visage et te donne la paix.
Que le Seigneur te bénisse, toi, frère, sœur.

La Trinité comme une danse

Icône de la Trinité de Roublev

On connaît bien l’icône de la Trinité écrite par le moine Andreï Roublev (on ne peint pas une icône, on l’écrit). Le génie de l’artiste est d’être parti de la représentation de la vision d’Abraham à Mambré (Gn 18) pour évoquer la divinité. On ne représente pas Dieu, on l’évoque seulement, et dans le cas de l’icône, par les inversions de perspectives, les proportions codifiées, les couleurs symboliques, le fond d’or… Dans l’icône de l’Hospitalité d’Abraham, la rencontre du Père des croyants et de ses hôtes auxquels il s’adresse indifféremment au singulier et au pluriel, est le lieu de la méditation, de la mise en présence au mystère trinitaire.

Superbe icône, consacrée plus d’un siècle après comme canon, modèle de ce qu’il faut écrire, elle permet d’aborder l’un mystères centraux des Chrétiens avec moins d’aridité qu’un traité dogmatique.

Mais contempler pendant des heures l’icône dépasse les capacités des enfants, et pas seulement les enfants… « Au bout d’un moment, ça doit être ennuyeux de contempler Dieu. » me disait l’une. « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin ! » disait l’humoriste. Il est vrai que, aussi belle soit elle, l’icône est statique et l’idée d’éternité qu’elle évoque peut provoquer la lassitude, le désintérêt.

Alors, comment parler de Trinité à des enfants, à des jeunes sans immobilisme ? En bougeant, en faisant percevoir que le rythme et la vie vont de pair, en dansant.

Une danse que j’avais apprise autrefois, la Cochinchine, nécessite trois danseurs, souvent un homme et deux femmes… Nonobstant la question de parité qui ne sera jamais équilibrée avec un nombre impaire de participant, cette danse est intéressante pour aborder le mystère divin. Une partie de celle-ci est une ronde assez classique tournée vers l’intérieur. Le second temps commence par un mouvement qui fait passer un des partenaires sous les mains jointes des deux autres. Tous se retrouvent alors tournés vers l’extérieur du cercle. Ce temps se finit par le mouvement inverse : l’un des partenaires, en passant sous les bras des deux autres ramène le cercle vers l’intérieur.

La Cochinchine avec les jeunes de Cambrai

À Brive, les enfants ont tout de suite accroché. Ils ont voulu entrer eux-aussi dans la danse qui est devenue rapidement une ronde gigantesque. Et si ces enfants avaient tout compris ? Si la Trinité était cette invitation à entrer dans la danse divine ? Si toute la Création était invitée à cette danse, Périchorèse des chrétiens orientaux, ou circumincessio de saint Bonaventure ?